La justice climatique doit être placée au centre de l’agenda, en changeant radicalement nos relations, notre production et notre consommation dans nos sociétés.

Un groupe de personnes participe au sit-in devant le Congrès des députés appelé à l’occasion de la Journée mondiale d’action pour le climat, à Madrid (Espagne), en septembre 2020. ÓSCAR J.BARROSO (EUROPA PRESS)

Publié à l’origine dans Seres Urbanos, El País (Espagne)

Le Droit à la Ville est un cadre d’action collective pour la justice climatique qui place la planète et ses communautés au centre des agendas.

Nous vivons une confrontation entre l’espèce humaine et l’environnement.  Une déconnexion entre les décisions économiques et leurs impacts sociaux et environnementaux, et nous constatons que les actions visant à atténuer le changement climatique ne sont pas axées sur le bien-être des personnes et la préservation des écosystèmes, mais reproduisent plutôt les anciennes stratégies qui recherchent le profit et ne s’attaquent pas aux inégalités.

Nous devons être conscients que les êtres humains et la nature font partie du même écosystème, et agir en conséquence. 

Pour résoudre cette déconnexion, la Plateforme Globale pour le Droit à la Ville propose le paradigme du droit à la ville, un droit humain collectif qui relie les droits humains au territoire, qui reconnaît et renforce les liens entre les villes et les campagnes, avec une attention particulière pour les communautés en situation de vulnérabilité. L’objectif est d’atteindre un niveau de vie adéquat pour tous et toutes tout en préservant l’environnement. Ce droit est aligné sur les notions de justice climatique et environnementale et constitue un cadre qui guide déjà l’action collective et équitable en faveur du climat.

Nous célébrons aujourd’hui la Journée mondiale de l’environnement. Ce jour marque le début de la Décennie des Nations unies pour la restauration des écosystèmes, qui vise à prévenir, arrêter et inverser la dégradation des écosystèmes sur tous les continents et dans tous les océans, afin de contribuer à l’éradication de la pauvreté, à la lutte contre le changement climatique et à la prévention des extinctions massives.

La Plateforme Globale pour le Droit à la Ville (PGDV) se réjouit de cette initiative et s’y associe, mais elle demande urgemment d’aller plus loin. Il est essentiel de mettre un terme aux causes de la dégradation des écosystèmes. Nous devons changer radicalement nos modes de relation, de production et de consommation dans nos sociétés. Comme l’a prévenu le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) dans son rapport spécial sur le réchauffement de la planète et le changement climatique, « sans changements structurels, les objectifs de l’Agenda 2030, notamment l’éradication de la pauvreté sous toutes ses formes et dans toutes ses dimensions, la préservation de notre planète, la réalisation des droits humains ainsi que l’égalité des sexes et l’autonomisation de toutes les femmes et les filles, ne seront pas possibles ».

À cette fin, les membres et allié.e.s de la PGDV – organisations de la société civile et des collectivités locales, universitaires, réseaux internationaux, défenseurs des droits humains, ONG – ont élaboré le document thématique « Droit à la Ville : feuille de route de la Justice Climatique« , résultat d’un processus d’apprentissage collectif qui vise à orienter l’action climatique collective vers la justice sociale.

Ce document thématique rassemble les points clés du Droit à la Ville pour construire une feuille de route pour une action climatique basée sur les droits, les bonnes pratiques des organisations locales qui contribuent déjà à atténuer le changement climatique, ainsi que la proposition d’une série de recommandations découlant de ces bonnes pratiques.

Un point central est de relier la réalisation des droits humains aux dynamiques territoriales. Il est essentiel de rechercher des modèles économiques et productifs qui soient non seulement plus durables dans leur impact sur l’environnement, mais qui contribuent également à réduire les inégalités économiques et sociales. Un exemple est l’Alliance Mondiale des Récupérateurs de déchets, créée dans plus de 30 pays du Sud avec le soutien et la coordination de WIEGO. Cette alliance vise à promouvoir et à renforcer les organisations de récupérateur.rice.s de déchets, leur inclusion sociale et économique et leur hiérarchisation dans les systèmes formels de gestion des déchets. Le travail des collecteur.euse.s de déchets contribue à la préservation de la planète en utilisant au mieux les déchets.

Shared Harvest

Un autre point clé est la vision holistique du droit à la ville, qui reconnaît et renforce les liens urbains-ruraux, fondamentaux pour des questions telles que la préservation des écosystèmes et la souveraineté alimentaire.  À titre d’exemple, en Chine et dans d’autres pays du monde, les groupes d’agriculture soutenue par la communauté (CSA par ses sigles en anglais) sont florissants, avec le soutien d’organisations telles que le Réseau intercontinental pour la promotion de l’économie sociale et solidaire (Ripess). Il existe plus de 800 initiatives qui fournissent des aliments sains à plus de 100 000 consommateurs. Il s’agit d’un exemple réussi de système de distribution alimentaire alternatif, qui fournit un revenu réel aux producteurs et des aliments sains et abordables aux consommateurs.

Enfin, le Droit à la Ville accorde une attention particulière aux communautés les plus vulnérables aux catastrophes environnementales et à l’impact du changement climatique, en partant de l’importance de la permanence et du lien au territoire, dans une perspective de justice climatique.  Par exemple, au Mexique, se développent des projets de construction et d’agriculture durable après une catastrophe naturelle dans les montagnes de Guerrero, grâce au soutien de Cooperación Comunitaria. Cette initiative contribue au rétablissement après les impacts des ouragans Ingrid et Manuel par la reconstruction de l’habitat avec des techniques traditionnelles et des matériaux locaux, réalisée par la communauté elle-même. En outre, les causes de la vulnérabilité ont été analysées et des mesures pour la gestion durable du territoire ont été établies.

Face à l’immobilisme des Etats, la société civile n’attend pas. Les stratégies construites par les citoyens peuvent faire le saut qualitatif et quantitatif qu’exige la lutte contre le changement climatique. Ces stratégies doivent être fondées sur le droit à la ville, qui place la planète et ses habitant.e.s au centre des actions, apporte une approche collective et territoriale des droits humains et se concentre sur les communautés les plus vulnérables.

 

Bios

Álvaro Puertas est architecte et titulaire d’un master en développement durable. Technicien de la Fédération des coopératives de logement de Catalogne. Consultant sur les questions liées au logement, à la production d’habitat social, au droit à la ville et au changement climatique. Consultant et coordinateur du document thématique : « La pertinence du droit à la ville pour faire face au changement climatique, au réchauffement de la planète et à la justice environnementale ».

Isabel Pascual Díaz est coordinatrice des communications de la Plateforme Globale pour le Droit à la Ville, un mouvement composé d’organisations de la société civile, de réseaux et d’organisations de gouvernements locaux, engagés dans le changement social qui promeut, défend et réalise le droit à la ville. Elle fait partie de la Coalition internationale pour l’habitat (HIC), un réseau mondial qui travaille à la défense, à la promotion et à la réalisation des droits de l’homme liés à l’habitat dans les zones rurales et urbaines.