Les jeunes sont conscients de l’enjeu majeur que représente la défense du droit à la ville, et de la nécessité d’un changement radical dans les manières d’habiter
Murale pour enfants de la coopérative hondurienne Covimarl.
Article d’Isabel Pascual
Cette journée, Journée internationale de la jeunesse, marque un temps de réflexion sur la situation actuelle et future des jeunes dans le monde. Comme le proclame l’ONU, elle constitue : « une célébration annuelle du rôle des jeunes en tant que partenaires essentiels du changement ».
Défis mondiaux et luttes locales
La récente évaluation de la mise en œuvre des Objectifs de Développement Durable (ODD), à l’occasion du dernier Forum Politique de Haut Niveau (HLPF d’après son acronyme anglais), a suscité de vives déceptions en publiant des données témoignant du chemin considérable qu’il reste à parcourir pour atteindre les objectifs visés, et parfois même de retours en arrière. Cette déception n’a fait que renforcer la mobilisation des collectifs de la société civile en vue du prochain grand sommet mondial, qui interpelle tout particulièrement les jeunes : la Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, COP25, qui se tiendra à Santiago du Chili en décembre prochain.
L’urgence de la menace que le changement climatique fait peser sur les progrès en cours en matière de développement durable a été plusieurs fois mentionnée à l’occasion du HLPF. Le rapport de l’ONU signale ainsi que le changement climatique met en péril les progrès opérés dans la mise en œuvre de l’Agenda 2030, etmenace de réduire à néant les nombreuses avancées qui ont permis d’améliorer la vie des populations au cours des dernières décennies. Ces alertes ne font que répéter les messages entendus lors de l’évaluation passée des Objectifs du Millénaire pour le Développement. Combien de temps encore allons-nous nous lamenter sans pour autant passer à l’action ?
Le changement climatique impacte en premier lieu celles et ceux qui ne bénéficient pas des retombées positives engendrées par la croissance économique mondiales, et celles et ceux qui se retrouvent, de par la marchandisation des modes de vie et des biens communs, systématiquement privés de leurs droits, avec un destin déjà planifié, qui ne tient pas compte de leurs besoins, de leurs droits ni de leurs aspirations. Les enfants et les jeunes font partie de ces populations les plus vulnérables. C’est pourquoi des milliers de jeunes du monde entier se mobilisent, et appellent à des actions concrètes et à la justice pour toutes les victimes passées, présentes et futures, de la crise climatique.
Droit à la Ville et Changement Climatique
Le Droit à la Ville est un pilier fondamental de la lutte contre le changement climatique pour deux raisons clés :
- Parce qu’il incarne le droit à un usage juste et équitable des villes et des services publics, et à la possibilité pour toutes et tous de vivre dans un environnement sain et durable.
- Parce qu’il sous-entend le droit de transformer la ville en quelque chose de radicalement différent, basé sur les principes de justice et d’équité, en insistant sur la dimension sociale de la production d’habitat urbain.
Cela se manifeste à travers des initiatives populaires de promotion du développement local et de participation à la formulation des politiques ayant des impacts au niveau mondial, national et local, en alternative aux stratégies d’atténuation du changement climatique, et dans le but de garantir la réalisation du droit de tous et de toutes à la ville et à un habitat respectueux des droits humains. Ces initiatives englobent, entre autres, des projets de sensibilisation, de gestion responsable des biens communs, de promotion d’échanges durables entres les zones rurales et urbaines, de promotion des énergies renouvelables, d’adoption de pratiques respectueuses de l’environnement et de production sociale d’habitat.
L’ouvrage Utopies en Construction (disponible en espagnol), publié par la Coalition Internationale pour l’Habitat en Amérique Latine (HIC-AL), présente un certain nombre de pratiques inspirantes. Parmi celles-ci, la « Mise sous tutelle du foncier » (ou Fideicomiso de la Tierra) dans le districtCaño Martín Peña, à Porto Rico, est un moyen de garantir, à travers une organisation collective de la propriété, la cohésion sociale et la salubrité sur le territoire, ainsi que de prévenir la gentrification et le déplacement forcé de ses habitants.
L’Aldeafeliz, en Colombie, est une autre initiative intéressante, à la poursuite d’un idéal en matière de relations entre la société et la nature. Elle est basée sur les principes de la permaculture, c’est-à-dire : prendre soin de la terre, des êtres humains, et partager équitablement les ressources. Un autre exemple est celui de la reconstruction du site de la Montagne de Guerrero, à Malinaltepec, au Mexique, suite à une catastrophe. La reconstruction s’est faite à partir des savoirs et des matériaux des peuples locaux, dans le respect de la nature et des biens communs, pour une gestion intégrée du territoire et dans l’objectif de réduire les effets du changement climatique.
Soucieuse de l’importance de diffuser ces bonnes pratiques, et de donner plus de visibilité aux revendications des groupes discriminés pour des changements en profondeur, la Plateforme Globale pour le Droit à la Ville, conjointement avec l’un de ses membres, TECHO, lance un grand défi aux jeunes d’Amérique Latine sur le changement Climatique à travers la perspective du Droit à la Ville, afin de les inciter à s’engager directement pour leur avenir et celui de la planète, dans le cadre du Droit à la Ville.
Les représentants des gouvernements doivent lutter avec fermeté contre le changement climatique, et ne pas en faire une excuse pour ne pas honorer leurs engagements en matière de développement durable. De même, dans la perspective d’une catastrophe écologique de plus en plus tangible, les communautés les plus vulnérables ne peuvent pas se permettre de reporter davantage la lutte contre ses effets. Les jeunes sont parmi les premiers à s’accorder sans conteste sur le fait qu’un changement radical est nécessaire pour améliorer l’avenir de toutes et de tous, et leurs voix doivent être entendues pour la mise en œuvre effective du Droit à la Ville.
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Article initialement publié en espagnol dans El País
Isabel Pascual Díaz est coordinatrice de la communication pour la Plateforme Globale pour le Droit à la Ville, un mouvement composé d’organisations de la société civile, de réseaux et d’organisations de gouvernements locaux, engagés dans le changement social pour promouvoir, défendre et mettre en œuvre le Droit à la Ville. Elle fait partie de la Coalition Internationale pour l’Habitat (HIC), un réseau mondial qui œuvre pour la défense, la promotion et la réalisation des droits humains en matière d’habitat, tant dans les zones rurales qu’urbaines.